L'AVORTEMENT AVANT LA LOI VEIL

L'INED a commis une erreur grossière en calculant le nombre des avortements
à partir de l'ensemble des décès obstétricaux.

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La présente étude reprend les éléments statistiques sur l'étendue de l'avortement avant la loi qui l'a légalisé en France. Les sources sont déjà bien connues de ceux qui se sont penchés sur la question. Chacune fait ici l'objet d'un article qui en fait la synthèse.

L'EFFET D'ANNONCE :
250 000 AVORTEMENTS CLANDESTINS PAR AN EN FRANCE !

Le 5 novembre 1965, le ministre de la Santé et de la Population, Raymond Marcellin, inquiet des propagandes anglo-saxonnes sur le contrôle des naissances, commandait à l'INED (Institut National d'Études Démographiques) un rapport sur la régulation des naissances en France.

Le "Rapport sur la régulation des naissances en France" est publié dans la revue "Population" (Juillet-Août 1966, n°4, p.645 et s.). Sa "conclusion sur le nombre annuel des avortements en France" mérite d'être cité: "Le nombre des avortements annuels en France est très inférieur aux 1 500 000 (voir 2 500 000) souvent cités. Il paraît même très en dessous du nombre des naissances, contrairement à ce qu'on dit souvent. Le nombre des avortements provoqués ne paraît guère dépasser 250 000. Quant aux avortements spontanés de l'ordre de 150 000, ils paraissent en grande partie inévitables..."

La barre était fixée, l'INED avait bonne réputation; impressionnés, les parlementaires votèrent en 1967 la loi Neuwirth instituant la contraception, puis, fin 1974, la loi Veil instituant l'avortement.

Pourtant, ces fameux 250 000 sont le résultat d'un calcul invraisemblable.

Un contre-rapport ne fut établi qu'en juillet 1976. Il avait été préparé par le père René BEL sous le titre "Un Rapport Mal Fait ! Recherches critiques sur le rapport de l'INED...". Voici un résumé des principales objections:

1) Tous les calculs du rapport sont basés sur les chiffres extraits des statistiques de décès de l'INSEE de la seule année 1963. Cette méthode est sans valeur car il aurait fallu prendre les chiffres de plusieurs années (le contre rapport les étudie sur 16 ans).

2) Le rapport de l'INED calcule son chiffre d'avortements à partir des "décès d'origine obstétricale" de 1963, comme si tous les décès (332) étaient dus à l'avortement, leur applique un taux de 1 décès pour 1 000 avortements (de quel type ? Les réponses ultérieures de l'INED sont contradictoires1.), et obtient ainsi un premier chiffre de 332 000 avortements.

Causes de décès d'origine obstétricale (1963)
Toxémie gravidique 37
Hémorragie gravidique 6
Gestation ectopique 12
Autres maladies et accidents grossesse 33
Avortement non spécifié septique 39
Avortement avec infection 17
Hémorragie de l'accouchement & de l'état puerpéral 37
Autres accidents de l'accouchement 104
Phlébite et embolie post-partum 17
Autres infections puerpérales 7
Eclampsies post-partum 5
Complications suites de couches autres ou non spécifiées 18
TOTAL DÉCÈS ORIGINE OBSTÉTRICALE 332

Or sur les 332 décès d'origine obstétricale, il n'y en avait que 56 liés à des avortements (spontanés et provoqués confondus).

3) A ce chiffre de 332000, l'INED propose d'ajouter des chiffres provenant d'un autre calcul basé sur des décès dus à une cause obstétricale qui se seraient dissimulés sous la rubrique "causes mal définies ou inconnues". En effet l'INED croit avoir trouvé dans l'avortement une cause du surplus de taux d'incertitude féminin par rapport au taux d'incertitude masculin dans la tranche d'âge 15-49 ans, en 1963.

Décès 1963, âge 15-49 ans Femmes Hommes
Cause inconnue ou mal définie 1269 2350
Toutes causes confondues 14384 28075
Taux d'incertitude résultant 8,82% 8,37%

L'INED calcule donc ce surplus pour 1963 ainsi :

(0,0882 - 0,0837) x 28.075 = 126,34 arrondis à 126 décès, menant, toujours par le taux de 1/1000 à 126 000 avortements. Or :

a) ce "surplus" se trouve parfois négatif (p.ex. en 1959, 1960, 1968),

b) la différence entre les taux d'incertitude féminin et masculin de la rubrique est trop faible, en proportion (0,45%) pour avoir une signification statistique, d'autant plus que sa répartition par tranche d'âge ne correspond pas à l'hypothèse d'avortement clandestin2 énoncée dans le rapport,

c) et enfin, (la cerise sur le gâteau), l'INED applique ce taux de 0,45% à l'ensemble des décès masculins (28 075) au lieu de l'ensemble des décès féminins (14 384). Cela donne 61 décès de trop, donc 61 000 avortements de trop3.

4) De plus, l'équation ci-dessus était fausse, même avec les chiffres de décès féminins. En effet, l'INED aurait dû chercher la proportion des "décès de causes mal définies ou inconnues" par rapport aux "décès par maladie" et non par rapport à l'ensemble des décès : en effet les "accidents et morts violentes" n'ont rien à voir avec l'avortement.

Décès 1963, âge 15-49 ans Femmes Hommes
Cause inconnue ou mal définie 1269 2350
Accidents et morts violentes (A.M.V.) 2539 10515
Toutes causes confondues 14384 28075
Maladie (toutes causes - A.M.V.) 11845 17560
Taux d'incertitude sur total maladie 10,71% 13,38%

Si on corrige ainsi, le surplus de taux devient négatif et l'hypothèse (avortements camouflés en "causes mal définies ou inconnues") devient absurde4.

5) Les chiffres avancés par le rapport de l'INED mélangent un ensemble d'avortements provoqués et d'avortements spontanés (fausses couches), de façon très embrouillée, ce qui rend peu crédible les nombres d'avortements de chaque catégorie ainsi que les taux de mortalité associés (taux dont la définition est flottante). L'INED fait finalement le calcul suivant :

(332 000 + 126 000 – 150 000 av. spontanés) = 308 000 minorés à 250 000 (probablement parce l'INED jugeait ses propres hypothèses comme maximales).

Le contre-rapport du père Bel est solide; il a été validé par de nombreux spécialistes: démographes, mathématiciens, statisticiens, médecins, juristes, français et étrangers. La presse ne l'a pas publié. Les hommes politiques ne l'ont pas écouté.

QUELQUES RECTIFICATIONS DISCRÈTES ET TARDIVES

Le nombre probable des avortements annuels en France avant la loi Veil se situe entre 55 000 et 90 000.

Dans la revue "Population" de mars-avril1974 (n°2) est publiée une étude de Henri Léridon: "Étude de la clientèle et du champ d'attraction d'un service hospitalier". C'est le professeur Gautray du service d'obstétrique et de gynécologie du C.H.I. de Créteil qui avait souhaité une telle étude des "caractéristiques socio-démographiques de la clientèle de son service". Elle porte sur un échantillon de 1 498 dossiers de consultation de maternité, de juin 1970 à décembre 1971.

Le but de l'étude n'est donc pas d'estimer le nombre des avortements clandestins, cependant elle fournit un tableau sur l'«issue des grossesses antérieures». On y trouve 8,3% d'avortements provoqués pour 79,2% de naissances vivantes (mères nées en France), ce qui fait un taux de 8,3/79,2=10,5 avortements provoqués pour 100 naissances vivantes.

Si l'on extrapole ce chiffre à la France entière (hypothèse haute car la région parisienne avorte plus), on peut en déduire une estimation de 89 250 avortements provoqués. [L'article de Léridon ne se hasarde pas à faire cette règle de trois qui pourrait remettre en cause le rapport de 1966; pudeur scientifique ?]

Dans le "Cahier n°117" de la publication "Travaux et documents", intitulé "La Seconde Révolution Contraceptive, la régulation des naissances en France de 1950 à 1985" par Henri Léridon (et al.), pour l'INED aux éditions P.U.F. en 1987, Henri Léridon revient sur ces chiffres de l'étude du C.H.I. de Créteil: "Même en admettant qu'une partie des avortements provoqués aient pu être déclarés "spontanés", on ne pourrait guère aller au delà de 15 avortements provoqués pour 100 naissances vivantes sur la base de ces réponses."

[Là encore, Léridon ne fait pas la règle de trois: 0,15 x 850 000=127 500 avortements par an pour la France, à minorer car la région parisienne avorte plus.]

Puis il donne le résultat d'une enquête comparant des réponses avant 1975 avec des réponses de 1975-1977 :

Pour 100 naissances vivantes avant 1975 en 1975-77
- avortements provoqués 2,0 9,2
- avortements spontanés (ou non précisés) et mort-nés. 15,9 12,9

En partant de l'hypothèse que les réponses sont plus sincères en 1975-77, et en observant que le taux d'avortement spontanés est anormalement élevé avant 1975, il va chercher le résultat d'une autre enquête d'avant 1975, sur les femmes de 20 à 44 ans. Celle-ci montre que :

  • 14% des naissances vivantes n'avaient pas été souhaitées,
  • 43% des autres grossesses (sans compter celles déclarées en avortement provoqué) étaient dans ce cas.

Il calcule donc une estimation du nombre d'avortements provoqués dissimulés en spontanés de la manière suivante:

(0,43 - 0,14) x 15,9 = 4,611 qu'il arrondit à 4,5.

Pour la période 1975-77 un taux de 22,5% est appliqué (basé sur des enquêtes postérieures à la loi dite "Veil"). Il obtient donc le tableau suivant :

Pour 100 naissances vivantes avant 1975 en 1975-77
- avortements provoqués 2,0 9,2
- avortements provoqués non déclarés 4,5 2,9
TOTAL avortements provoqués 6,5 12,1

Une fois de plus Léridon évite de faire une règle de trois. Il aurait trouvé 55 250 avortements annuels pour la France en 1970.

LA POLÉMIQUE DE 1979

L'INED persiste dans son erreur

1979 allait voir le vote de confirmation de la loi Veil, après une période d'essai de 5 ans. Il fallait donc un bilan sérieux des effets de la loi d'avortement. Ce bilan fut publié fin juin 1979 par un groupe de travail rassemblé autour de l'un des plus grands démographes français indépendants, Jean Legrand, sous le nom collectif de "Guillaume Paulmier". Ce rapport établissait:

  • le peu de diligence de l'INED à produire des statistiques fiables sur l'avortement légalisé,
  • la sous-déclaration des avortements, variable selon les départements,
  • une forte corrélation (relation de cause à effet) entre l'avortement et la baisse de fécondité, surtout dans les campagnes, (l'avortement étant un élément majeur de la révolution contraceptive), avec notamment le tableau ci-dessous.
  • l'augmentation du nombre des avortements par la légalisation.

Ce rapport est tellement dérangeant que Calot lui-même monopolise un numéro de "Population et sociétés" (déc.1979, n°130) pour lui répondre.

Sa réfutation est en deux points:

  • on ne peut parler de corrélation entre des phénomènes indépendants comme le nombre de morts et le nombre de naissances d'une localité; de même entre les avortements et les naissances; de plus le taux de corrélation entre la diminution de l'indicateur de fécondité entre 1972 et 1976, et la somme des avortements réduits en 1975 est quasi nul.
  • il faut appliquer une correction des variations saisonnières (graphique à l'appui) plutôt qu'une moyenne mobile sur 1 an; car, alors, il apparaît que la baisse brutale de fécondité n'est pas liée à la légalisation de l'avortement.
Naissances Naissances Baisse
AVRIL 74 69.910 AVRIL 75 68.355 2,2% AVANT l'effet
de la loi :
baisse lente
MAI 74 73.930 MAI 75 71.894 2,7%
JUIN 74 66.978 JUIN 75 65.199 2,7%
JUILLET 74 70.276 JUILLET 75 66.848 4,9% Transition
AOUT 74 67.548 AOUT 75 60.598 10,3% APRES l'effet
de la loi :
rupture de
NIVEAU d'env. 10%
SEPTEMBRE 74 65.449 SEPTEMBRE 75 56.642 13,5%
OCTOBRE 74 65.166 OCTOBRE 75 56.394 13,5%
NOVEMBRE 74 60.565 NOVEMBRE 75 54.512 10,0%
AVRIL 75 68.355 AVRIL 76 61.643 9,8%
MAI 75 71.894 MAI 76 65.457 9,0%

Baisse rapide des naissances lors du 3ème trimestre 1975 - Effet ponctuel de la loi du 17/01/1975.

Jean Legrand répond le 20/12/1979 et démontre le peu de pertinence de cette "réfutation". Il peut en effet y avoir corrélation entre les avortements et les naissances, puisqu'un enfant avorté ne naît pas et réciproquement. Le tableau de corrélation construit par Calot se base sur des statistiques d'enregistrement dont la sous-déclaration varie énormément selon l'origine géographique: il fallait donc, comme l'avait fait le rapport "Paulmier", trier et sélectionner celles qui avaient un sens.

De plus le modèle de correction des variations saisonnières choisi par Calot se base sur l'après 1975: or, depuis la loi d'avortement, la structure des variations saisonnières a complètement changé5. Le graphique de Calot est donc sans signification. D'autre part la comparaison mois à mois entre 1974 et 1975 a une validité puisque la période de référence (avril-novembre 1974) était caractérisée par une quasi stabilité de la natalité.

De plus l'objectif de la courbe des naissances en moyenne mobile sur un an n'était pas de démontrer la chronologie, mais plutôt de montrer le déficit croissant des générations depuis 1975 (plus de 100 000 enfants par an).

L’INED RECONNAÎT SON ERREUR. TARDIVEMENT.

Gérard Calot, directeur de l'INED, accorda une interview au journal Le Monde, qui la publia le 27/11/1979. Calot avait lu le rapport "Paulmier", et le vote de reconduction ou non de la loi d'avortement par l'Assemblée Nationale approchait.

Le thème majeur de l'article était la "réfutation" du rapport "Paulmier", avec, en primeur, deux graphiques qui allaient figurer dans "Population et sociétés" de décembre 1979.

Ce qui est intéressant, par contre, c'est qu'il avoue que son calcul du nombre des avortements clandestins de 1963, utilisé dans le rapport de l'INED de 1966, était basé sur l'ensemble des décès d'origine obstétricale (332).

En décembre 1988, à Florence, lors d'un symposium sur le changement de la population et la société européenne, Gérard Calot, INED, délivre une communication intitulée: "La fécondité en Europe: évolutions passées et perspectives d'avenir".

Il décrit le phénomène de la "contraception moderne" : "A notre avis, la maîtrise à peu près totale de la fécondité que les contraceptifs oraux, puis le stérilet, la stérilisation et l'avortement légal, ont permise a joué un rôle déterminant. (...) Mais l'effet de la contraception moderne a dépassé la simple substitution [à la contraception ancienne]. (...) La contraception moderne nous paraît ainsi à l'origine de la quasi disparition de la fécondité non désirée et en particulier des enfants de rang trois ou plus. (...)

Tout ce cadre sociétal dans lequel se forment les projets et se prennent les décisions des couples en matière de procréation a évolué depuis quarante ans dans une direction qui, dans l'ensemble, est défavorable à la fécondité. mais il faut bien voir que cette évolution est par nature lente et progressive et qu'elle ne saurait expliquer la brutalité des inflexions enregistrées dans la période 1965-1975. (...) C'est la raison pour laquelle, bien que nous en ayons douté en son temps, nous pensons maintenant que c'est bien la contraception moderne qui a contribué le plus à modifier le régime de fécondité des populations européennes."

[Pour Calot, la "contraception moderne" inclut bien l'avortement.]

LA FIN DES MYTHES ?

Officiel : la contraception mène à l'avortement.

Après le mythe de l'inefficacité de la Loi pour réduire le nombre d'avortements, un autre mythe a été remis en cause officiellement en 1994. Henri Léridon, Directeur de recherche à l'INED était interviewé par l'Express (17/02/1994) :

"- Comment expliquez-vous qu'il y ait encore 170 0006 avortements chaque année en France, malgré la banalisation de la contraception ?

- Ces chiffres sont extrêmement frustrants, car ils n'ont pas évolué depuis l'application de la loi sur l'avortement, c'est à dire 1975. (...) Pourtant la contraception a fait le plein, si je puis dire: 90% des femmes utilisent à un moment ou à un autre de leur vie, la pilule. (...) Mais c'est le paradoxe dès le début, il y avait beaucoup d'utilisatrices de la pilule parmi les candidates à l'avortement. (...)

- N'avoir que des enfants désirés, était-ce une illusion ?

- Au contraire! Nos enquêtes le disent: le nombre de naissances non désirées par les femmes diminue de façon spectaculaire avec les années. On accepte de moins en moins l'échec. On refuse ce qui n'est pas maîtrisé, programmé. D'où le recours constant à l'IVG. (...) L'enfant de trop est devenu inacceptable. Autrefois, on avait des idées moins arrêtées sur la taille de la famille idéale. Aujourd'hui, on n'admet plus de variation par rapport à l'objectif fixé. Ni en nombre ni en date. Il ne faut pas que l'enfant vienne trop vite, ni trop tard, ni au mauvais moment. Voilà le paradoxe frustrant: plus la pratique contraceptive se resserre, plus le recours à l'IVG reste une solution nécessaire."

Le mythe de la contraception en tant que prévention de l'avortement commence enfin à s'écrouler.

En 2004 l'INED continue de constater qu'«en dépit d'une diffusion massive de la contraception médicale (pilule et stérilet), le recours à l'IVG est resté étonnamment stable depuis 1975, (...) soit environ 200 000 IVG par an». Mais l'INED cafouille encore dans sa tentative d'explication de ce phénomène: «la méthode utilisée n'est pas toujours adaptée aux conditions de vie sociale, affective et sexuelle des femmes».

L'INED fait encore semblant de ne pas croire ce que disent ses chiffres: plus il y a de contraception, plus il y a d'avortements! D'autant plus que les "contraceptions" hormonales ou par stérilets ont aussi des effets abortifs directs qui ne sont pas comptabilisés dans les chiffres de l'INED.

LE NOMBRE D'AVORTEMENTS AUJOURD'HUI

"Le nombre d'avortements en 1990 a approché 170000, alors qu'il était descendu vers 162 000 peu auparavant. On retrouve ainsi le niveau des années 1983-1984, la diminution récente semblant remise en question. Il faut cependant se montrer très prudent à l'égard de cette évolution: d'abord parce qu'il s'agit de données provisoires dont aucune analyse détaillée n'a été encore possible (...); ensuite parce que la diminution du nombre d'interruptions volontaires de grossesses (IVG) dans les années 1980 a déjà été entrecoupée de soubresauts difficiles à interpréter; enfin parce que la statistique des avortements est toujours imparfaite et reste soumise aux aléas d'une déclaration lacunaire par certains établissements hospitaliers. Diverses enquêtes auprès de ceux-ci permettent d'estimer au minimum à 40.000 le nombre d'IVG non enregistrées, mais le nombre effectif de ces dernières pourrait bien être double." ("21ème rapport sur la situation démographique de la France", in Population, n°5 sept.oct.1992)

Cela signifie que l'INED reconnaît que le nombre d'avortement de 1990 se situe entre 210 000 et 250 000.

En 2004 le système de suivi statistique de l'avortement a été modifié pour intégrer d'autres sources d'informations, car la sous-déclaration était estimée à 4,4% pour le secteur public et à 33,2% pour le secteur privé (cf. DREES, Études et résultats, n°348, octobre 2004), ce qui fait 14% en moyenne. Cette rectification des statistiques est très largement en dessous de ce que l'INED disait en 1992.

Tous ces éléments montrent à l'évidence que les avortements, qui étaient déjà trop nombreux avant 1973 (55 à 90 000 par an), se sont multipliés pour atteindre 205 627 par an (chiffre officiel pour 2002) sous l'effet de cette loi.

Et si en 1975 41% des grossesses non prévues se terminaient par un avortement déclaré, nous en sommes à 62% en 2002. C'est un recul massif du droit à la vie des citoyens français non encore nés.

Thierry LEFEVRE


Notes

1. "Le rapport de la situation démographique de la France en 1972", in Population, n°6 (nov.déc. 1973), p.1047 : 1/1000 concerne l'avortement provoqué,
puis Population et Sociétés, n°69 (mai 1974) : G. Calot (INED) y considère que 1/1000 est un taux moyen de mort maternelle par avortement spontané et provoqué.

2. Pourcentage de surplus négatif pour les femmes les plus âgées.

3. En mai 1974, M. Gérard Calot, directeur de l'INED corrigea discrètement cette erreur dans "Population et Sociétés" (n°69). Il ne retoucha pas au rapport de 1966 pour autant. En fait, deux articles de presse (Le Parisien Libéré, 14/03/1974, et La Croix, 26/03/1974) avaient déjà signalé l'erreur.

4. Le calcul aboutirait pour 1963 à 316 décès féminins !

5. depuis mi 1976, on observe une nouvelle répartition saisonnière des naissances, laquelle se traduit notamment par une concentration plus marquée en mai-juin-juillet et caractérise sans doute le passage à un système de fécondité plus directement dirigée et la réduction des naissances non positivement voulues.

6. recensés en 1990. Les promoteurs de l'avortements se référaient souvent à ce chiffre en "oubliant" de mentionner la sous-déclaration (cf. suite).

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